Comment récupérer un bien sans maître et vacant ?


Comment récupérer un bien sans maître et vacant ?
De nombreuses collectivités souhaitent mobiliser du foncier pour créer du logement ou un espace public, favoriser l’installation d’un agriculteur ou réouvrir des espaces embroussaillés afin de prévenir le risque incendie, etc... Cependant, toutes ne disposent pas de foncier communal et la localisation de celui-ci ne correspond pas toujours à l’objectif recherché (espace inconstructible, inculte, etc.…).

En parallèle, de nombreux terrains ou bâtiments situés sur leur territoire sont abandonnés, présentant parfois un danger pour les habitants, et aucun propriétaire ne peut être retrouvé.

La procédure des biens vacants et sans maître permet à une commune ou une intercommunalité de récupérer ces biens pour réaliser son projet. En effet, le code civil (art. 713) prévoit que « Les biens qui n'ont pas de maître appartiennent à la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés » (ou à l’EPCI par délibération du conseil municipal).
A la différence des procédures de péril et d’abandon manifeste, la procédure des biens vacants et sans maître permet de mobiliser des biens sans propriétaire connu.

En réalité, les biens vacants et sans maître recouvrent 2 cas de figure qui entraînent 2 procédures différentes selon que le propriétaire soit identifié ou non.

Le bien sans maître

Dans le 1er cas, le bien sans maître est un bien appartenant à une succession ouverte depuis plus de 30 ans (le décès doit être établi avec certitude (1), sans héritiers ou laissant des héritiers n’ayant pas accepté la succession, expressément ou tacitement (2).
La Loi 3DS (3) vient cependant de réduire à 10 ans ce délai pour les biens des successions ouvertes depuis le 1er janvier 2007 et non partagées compris dans certains périmètres : opérations de revitalisation de territoire (ORT), grande opération d’urbanisme (GOU), quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) ou encore dans une zone de revitalisation rurale (ZRR). Notons que ces ZRR couvrent 90% des communes de Corse.

Une enquête préalable sérieuse doit permettre de vérifier que ces conditions sont effectivement réunies pour qualifier le bien de « bien sans maître » : enquête auprès du service du cadastre, du service de publicité foncière, de l’état civil, du centre des impôts fonciers, d’études notariales, du voisinage, etc.
Si les conditions sont réunies, la commune (ou l’EPCI) peut alors incorporer le bien à son domaine par délibération du conseil municipal (communautaire). Un arrêté du Maire (ou Président de l’EPCI) constatant cette incorporation fera l’objet des mesures de publicité habituelles (affichage en mairie ou au siège de l’EPCI, transmission au Préfet) ainsi que d’une publication au service de publicité foncière.
Si la commune renonce à exercer son droit de propriété sur les biens identifiés par délibération, l’EPCI dont elle est membre est réputée propriétaire de ces biens. Si l’EPCI renonce à son tour, la propriété est transférée, à leur demande, au Conservatoire du Littoral (sur ses zones d’intervention) ou au Conservatoire régional d’espaces naturels à leur demande, ou, à défaut, à l’Etat. Notons qu’une commune ne peut pas renoncer à l’avance à l’ensemble des biens sans maître qui pourraient lui échoir à l’avenir.
L’utilisation des biens ainsi acquis par la collectivité et incorporés dans son domaine privé n’est pas limitée par les textes.

A noter : un propriétaire qui se manifesterait par la suite ne pourrait reprendre son bien, sauf à montrer que celui-ci ne répondait pas aux conditions précisées ci-dessus (par exemple si le propriétaire était décédé depuis moins de 30 ans).

 

Le bien présumé sans maître

​Dans le 2e cas, le bien présumé sans maître doit répondre à 2 conditions cumulatives :
  • le bien ne doit pas avoir de propriétaire connu
    • soit parce qu’aucun renseignement de nature cadastrale ou aucun titre de propriété publié au service de la publicité foncière ne permet d’identifier le propriétaire ;
    • soit parce que le propriétaire a disparu (on ne dispose pas de la preuve de son décès) sans laisser d’héritier connu et le bien n’est devenu la propriété d’aucune autre personne (via la prescription acquisitive par exemple) ;
  • et les taxes foncières n’ont pas été acquittées depuis plus de 3 ans (ou ont été acquittées par un tiers), ceci même si le bien est exonéré de taxes foncières ou si celles-ci ne sont pas mises en recouvrement.
Les recherches préalables permettant de vérifier que le bien répond bien aux conditions ci-dessus sont similaires à la procédure des biens sans maître. Au surplus, la commission communale des impôts directs doit ici être consultée pour avis. La Loi 3DS vient de préciser que l’administration fiscale doit transmettre au Maire, à sa demande, les informations nécessaires à la mise en œuvre de la procédure d’acquisition des biens présumés sans maître.

Une fois le bien identifié, le Maire (ou le Président de l’EPCI) prend un premier arrêté constatant l’état de bien présumé sans maître. Cet arrêté fait l’objet de formalités de publicité renforcées : au-delà de son affichage au siège de la collectivité (et éventuellement sur site), de sa notification au préfet et de sa publication au registre des arrêtés du maire (ou au Recueil des Actes administratifs de l’EPCI) - et dans un journal local même si cela n’est pas obligatoire - il devra être notifié, s’il y a lieu, aux derniers domicile et résidence du dernier propriétaire connu, à l’habitant ou à l’exploitant du bien ainsi qu’au tiers qui aurait acquitté les taxes foncières. Le défaut de notification de l’arrêté à ces personnes est susceptible d’entacher la procédure d’irrégularité.

Si aucun propriétaire ne s’est fait connaître 6 mois après la dernière des mesures de publicité, le bien est présumé sans maître. La commune ou l’EPCI peut alors l’incorporer dans son domaine par délibération du conseil municipal ou du conseil communautaire. Cette incorporation est constatée par un deuxième arrêté du Maire ou du Président de l’EPCI.

A défaut de délibération prise dans un délai de 6 mois, la propriété du bien est transférée, à leur demande, au Conservatoire du Littoral (sur ses zones d’intervention) ou au conservatoire régional d’espaces naturels, ou, à défaut, à l’Etat.

Là encore, l’utilisation des biens ainsi acquis par la collectivité et intégrant son domaine privé n’est pas limitée par les textes. Notons cependant que les bois et forêts ainsi acquis sont soumis au régime forestier 5 ans après leur incorporation au domaine communal ou leur transfert à l’Etat.

A la différence de la procédure des biens sans maître, un bien « présumé » sans maître peut être restitué à un propriétaire ou à ses ayants droits qui se manifesteraient ultérieurement. Cependant, si le bien a été vendu ou utilisé d’une manière ne permettant plus cette restitution, ils ne pourront obtenir que le paiement d’une indemnité représentant la valeur de l’immeuble au jour de l’acte de vente ou de sa remise au service ou à l’établissement utilisateur.

Notons que ces deux procédures ne font pas obstacle à ce qu’une personne, occupant un bien de manière continue, paisible, non équivoque et à titre de propriétaire depuis 10 ou 30 ans (selon les situations prévues par le code civil) demande à bénéficier de la prescription acquisitive sur ce même bien.

Pour plus d'information sur ce sujet, contactez-nous au 04 95 18 98 64 ou à aue@isula.corsica 
 
(1) Cela permet notamment d’exclure les biens des successions vacantes ou en déshérence des personnes décédées depuis moins de 30 ans sans héritiers et n’ayant pas fait l’objet d’un leg universel qui appartiennent à l’Etat (articles 539 du code civil et L. 1122-1 du CG3P).
 
(2) L’article 782 du code civil précise que l’acceptation est tacite « quand le successible saisi fait un acte qui suppose nécessairement son intention d'accepter et qu'il n'aurait droit de faire qu'en qualité d'héritier acceptant ». L’article 783 du même code ajoute que « toute cession, à titre gratuit ou onéreux, faite par un héritier de tout ou partie de ses droits dans la succession emporte acceptation pure et simple ».

(3) Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale